37

Avant de quitter son bureau, Bella reçut des nouvelles inquiétantes de l’extrémité du tube : les hostilités avaient commencé. À deux minutes-lumière de Janus, les Fontaines – et leurs alliés de la Connexion du Puits Cinq, peut-être – affrontaient les Incontrôlés. Par la porte du fond restée ouverte, des flashs éblouissants se succédaient, du blanc-bleu aux rayons X et gamma en passant par l’ultraviolet et Dieu savait quoi encore… La bataille se déchaînait. Ces rayonnements atteignaient au bout de deux cents secondes les caméras de surveillance fixées sur la face externe du Ciel de Fer. Quant aux autres, situées près de la porte du fond, elles étaient déjà hors service, grillées par les tirs perdus de la bataille.

Bella tenta de joindre Jim Chisholm sur le canal de l’ambassade. Après cinq minutes d’attente sans résultat, et en tenant compte du décalage entre les questions et les réponses, elle en conclut que la liaison était coupée. Chisholm n’avait pas forcément été tué, mais ce silence n’avait rien de rassurant. Le combat durait toujours, ce qui signifiait que les Incontrôlés n’avaient pas encore remporté la partie, ou que la Connexion nettoyait les derniers foyers de résistance… D’après les Fontaines, le Puits Cinq avait déjà affronté les Incontrôlés à une occasion. Il en avait certainement tiré des leçons sur leurs points faibles, des données tactiques précieuses pour l’engagement qui se déroulait à présent.

Mais les flashs se succédaient toujours, avec une interruption de temps à autre. Et chaque fois qu’ils marquaient une pause, Bella redoutait l’issue de la bataille. Puis ils reprenaient de plus belle, parfois avec une férocité accrue, saturant les capteurs rescapés de flux de radiations mortelles que même les combinaisons spatiales n’auraient pas arrêtés. Le canal de l’ambassade crachotait plus ou moins fort, comme si quelqu’un ou quelque chose tentait vainement de rétablir la communication.

Malgré la distance qui la séparait de la source des radiations, Bella avait l’impression de ressentir dans sa chair la férocité du combat. Y assister de loin était déjà assez pénible, mais nettement moins que de se dire que les colons de Janus devraient peut-être trouver refuge dans la cavité en question.

Bella réfléchissait souvent à la forme et la texture de son existence. Comment allait-elle mourir ? Elle se voyait recevant les visites attristées de ses proches, baignée d’une douce lumière filtrée par les rideaux d’un hôpital, entourée de sourires forcés et de fleurs en plastique. Jamais elle n’aurait imaginé mourir dans l’espace, malgré ce qui était arrivé à Garrison. Mourir par la faute de l’espace… et en victime collatérale d’un conflit armé entre deux cultures extraterrestres, de surcroît ! Et si loin dans le futur qu’il ne restait plus de l’humanité que quelques vagues données archéologiques.

Une mort surprenante, mais pas très constructive, se dit-elle. Mais c’était peut-être une réaction ingrate de sa part.

Elle se demanda ce qu’en pensait Svetlana.

 

 

Le train arriva pile à l’heure. Les portes en verre s’alignèrent avec précision sur les ouvertures lumineuses du quai, puis coulissèrent dans un carillon de signaux sonores.

Sur le quai, tout le monde resta figé, personne ne parla. Ils étaient huit : Bella, Ryan Axford et Liz Shen, plus Mike Takahashi et quatre des partisans les plus proches de Bella. Takahashi était là parce qu’il avait appartenu à l’équipe des EVA de Parry et que tout le monde l’aimait bien. Sa présence était censée détendre un peu l’atmosphère. Tout juste transféré par l’Appareil Judiciaire de l’Habitat Haut, Parry était là également, mais un peu à l’écart, près d’un robot huissier en forme de porte-chapeaux. Sur ordre de Bella, personne ne portait de combinaison spatiale. Ils étaient habillés comme d’habitude, sans ostentation et sans accessoires, pour que l’absence d’armes ou d’instruments dissuasifs soit évidente pour tout observateur.

Trois personnes descendirent du train en combinaisons Chakri-5. Blanches et lisses, on aurait dit des figurines en stéatite, et elles ne portaient rien qui ressemblait à des armes. Bella avait eu l’occasion d’examiner la Chakri-5 originale de Jim Chisholm. Capable de protéger son occupant contre toute une gamme d’environnements hostiles, cette combinaison n’était pas conçue pour infliger des dommages à autrui.

Les portes du train se refermèrent derrière elles. Elles s’avancèrent lentement vers le comité d’accueil et s’arrêtèrent à mi-distance. À en juger par sa démarche, c’était Svetlana qui menait ce groupe.

Bella s’exprima la première. Elle avait la gorge sèche, et les mots eurent du mal à franchir ses lèvres :

— Merci d’être venue, Svieta. Comme tu peux le constater, nous sommes tous sans armes et sans protection. Vous n’avez rien à craindre de nous.

La voix amplifiée de Svetlana jaillit de la combinaison de tête :

— Je vois que Parry est là. Parfait.

— Nous avons passé un marché, et j’ai l’intention d’en respecter les termes.

— Tu es prête à te rendre, Bella ?

— Oui, dès que tu m’auras remis le passe. Et ça devient urgent, figure-toi. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais Janus montre des signes inquiétants d’instabilité.

— Oh non, ne me ressors pas cette histoire…

— C’est la vérité, pourtant. Les premiers évacués sont déjà en route vers Sous-le-Trou. Quand tu prendras les rênes de Crabtree, je veux que tu poursuives ce plan d’évacuation. Tu n’as qu’à laisser Nick s’en charger, il fera le nécessaire.

— Tu ne t’imagines quand même pas que tu vas me dicter mes agissements quand j’aurai repris le pouvoir ?

— J’accomplirai mon devoir envers Janus jusqu’à la dernière seconde de mon commandement.

— Parfait. Ça ne saurait tarder, ricana Svetlana, qui reprit aussitôt un ton de femme d’affaires : Le fichier est chargé dans ma combinaison, au format creuset-compatible. Si tu tentes quoi que ce soit, je l’efface et tu ne pourras pas le récupérer.

— Je ne vais rien tenter du tout. Je veux juste ce foutu passe. La seule chose qui compte à mes yeux, c’est l’évacuation de Janus et notre passage dans la cavité suivante.

— Elle dit la vérité, intervint Mike Takahashi.

Svetlana ôta lentement son casque et le colla à sa hanche, où s’était formée une surface adhésive temporaire. Elle se tourna ensuite vers ses deux compagnons, qui se débarrassèrent eux aussi de leurs casques. Les dreadlocks de Denise Nadis retombèrent sur le col de sa combinaison et Josef Protsenko, le troisième, salua Bella d’un signe de tête dépourvu de toute animosité, comme s’il était en train d’accomplir une corvée bureaucratique vaguement déplaisante, du genre audience de faillite.

— Je vais te remettre le passe, mais pas en une seule fois. J’ai coupé le fichier en deux. Chaque moitié est inutile sans l’autre.

Bella haussa les épaules.

— Comme tu voudras.

— Dès que tu m’auras envoyé Parry, je te transmettrai une moitié du fichier.

Bella fit signe au robot huissier, et la machine amena Parry juste devant Svetlana.

— Libérez-le.

L’Appareil Judiciaire avait délégué à Bella son autorité vocale sur le robot. Celui-ci relâcha son prisonnier et recula sur ses jambes noires maigrelettes. Parry examina les traces des liens sur ses poignets.

— Est-ce qu’elle t’a fait du mal ? s’inquiéta Svetlana.

Parry secoua la tête.

— Ne t’inquiète pas, ma chérie. Bella m’a bien traité.

Il voulut l’embrasser, mais avec la combinaison qu’elle portait, il n’y arriva pas. Il se retourna vers Bella.

— Je suis venu me rendre de mon plein gré. Je ne t’en veux absolument pas.

— Je sais. Ne te sens pas coupable, tu n’es en rien responsable de ce qui se passe. Ce n’est pas ton combat.

Svetlana reprit son casque.

— Je vais le remettre, Bella. Je dois le porter pour pouvoir effectuer l’envoi du fichier. Tu me fais confiance ?

— Fais ce que tu as à faire.

Svetlana remit son casque en place ; après vingt ou trente secondes, elle le retira à nouveau.

— Le transfert a dû commencer. C’est un gros fichier, même coupé en deux. Je l’ai envoyé à l’adresse que tu m’as indiquée.

— Je dois vérifier qu’il est arrivé, dit Bella en ouvrant sa veste. Je vais sortir un flexi et appeler Wang. Tu es d’accord ?

— Oui, vas-y.

Bella raidit son flexi d’un mouvement du poignet, un geste si familier qu’il semblait inscrit dans ses muscles. Le flexi s’activa et afficha les options de ShipNet. En consultant le menu de démarrage, Bella constata que tous les services courants avaient été suspendus en raison de l’état d’urgence. Mais Bella n’avait pas besoin des services courants.

Au bout de quelques instants, Wang apparut en ligne. Méconnaissable, sorcier à la chevelure de neige aussi vieux que les collines, il n’avait physiquement plus rien à voir avec le jeune homme passionné tombé dans l’univers de Bella un demi-siècle plus tôt. Puis il lui sourit, et les années s’effacèrent. C’était un homme courageux, qui préférait rester dans son labo jusqu’au dernier moment plutôt que de se joindre aux colons déjà en train d’évacuer.

— J’ai reçu les données, Bella. La moitié d’un fichier creuset-compatible.

— Parfait. Vous recevrez bientôt l’autre moitié. Il vous paraît valide ?

— Il me faudrait des jours rien que pour survoler les opérations de surface. De toute façon, il n’y a qu’un seul moyen de s’assurer vraiment de sa validité : le creuset. Ce sera le moment de vérité.

— Je comprends. Mais ne perdez surtout pas de vue que vous aurez affaire à quelque chose qui sort de l’ordinaire.

Elle coupa la communication, plia le flexi et le fourra dans sa veste pour qu’il s’y réchauffe.

— Quand comptes-tu me remettre la seconde moitié du fichier ? demanda-t-elle à Svetlana.

— Ça dépend de toi.

Bella ouvrit les bras.

— Je suis toute à toi ! Comment veux-tu procéder ?

Les choses ne se passaient pas comme l’avait prévu Svetlana, visiblement déstabilisée par la bonne volonté de son adversaire.

— Tu pourrais commencer par annoncer ta démission.

Bella cilla à peine.

— Très bien. Je démissionne. Quoi d’autre ?

— Et préciser que tu me cèdes tous les pouvoirs.

— Ce serait avec plaisir, mais le problème, c’est que je viens de démissionner. Je n’ai donc pas plus de pouvoirs que toi. Tu veux peut-être que je me rétracte, pour respecter la procédure ?

— Va jusqu’au train, grommela Svetlana avec irritation. Tu trouveras une porte ouverte à l’arrière.

— Seulement moi ?

— Oui, seulement toi, Bella.

Svetlana lança un regard appuyé à Liz Shen et aux autres partisans de Bella.

— Ne craignez rien, je ne cherche pas à prendre une revanche. Tout le monde sera bien traité, vous y compris.

Bella partit vers le train et s’arrêta devant la porte.

— Je vais monter à bord de ce train. Je suppose qu’il va me ramener à Eddytown, où je serai retenue prisonnière, c’est ça ?

— Janus n’est pas assez grand pour nous deux, Bella. Il faut que l’une de nous s’éloigne, c’est le seul moyen.

— Dis aux habitants d’Eddytown de quitter la ville. Je veux bien y rester, je m’en moque, mais fais évacuer cet endroit.

— Personne n’ira nulle part.

— Où est Emily, en ce moment ?

— Elle est là-bas, tu le sais très bien.

— Ta fille va mourir par ta faute. Si elle compte un peu pour toi, si ces gens comptent un peu pour toi, demande-leur de monter dans ce train.

— C’est vraiment minable, ce chantage aux émotions.

— Je sais combien tu tiens à Emily. Tu peux encore la sauver, Svieta.

— Monte dans ce train !

Bella s’arrêta une dernière fois avant de franchir l’accès lumineux du maglev.

— D’abord, je veux savoir si Wang a reçu le second fichier.

— Il le recevra dès que tu mettras le pied dans le train.

— Juste une seconde, d’accord ? Je veux te montrer quelque chose.

— Tu as abattu toutes tes cartes, Bella.

— Peut-être, sauf la carte Chromis.

— De quoi tu parles ? s’exclama Svetlana, pour qui ce nom n’évoquait rien.

Bella jeta un coup d’œil au cube commémoratif. Svetlana suivit son regard et l’aperçut à son tour. Il avait tranquillement attendu son heure dans la pénombre, au fond du hall.

Svetlana eut à peine le temps de le reconnaître et de marquer sa surprise que déjà le tube s’animait.

L’air se déplaça subitement et un tourbillon de formes noires jaillit de la face visible du cube. Effroyablement rapides, elles se déversèrent autour d’eux comme les ombres de nuages balayés par le vent. Les magistrats formèrent une maléfique ronde noire autour des deux groupes, en provoquant au passage un appel d’air monstrueux qui malmena les vêtements des humains et les obligea à se baisser sous la pression. Ce flot noir ininterrompu qui défiait les règles du sens commun – comment un cube aussi petit pouvait-il contenir toutes ces choses ? – se poursuivit un bon moment. Puis la ronde cessa brutalement et les magistrats se posèrent. Il y en avait plusieurs dizaines, noirs, luisants, avec des lames aiguisées en guise de doigts et des têtes en forme de hachette. Des abominations venues des profondeurs de l’Histoire.

Le vent retomba dans le hall soudain silencieux.

— Ne faites rien, ne dites rien, ne pensez rien, souffla Bella, toujours debout à côté de son wagon. Ces trucs sont très, très dangereux.

— Mais qu’est-ce que c’est ? demanda courageusement Svetlana.

— On appelle ça des magistrats. Ce sont des instruments gouvernementaux, de purs produits de la femtotechnologie. Pour l’instant, il y en a une centaine environ, mais le cube peut en fabriquer des milliers si je lui en donne l’ordre.

Svetlana fronça les sourcils.

— Je savais que tu finirais par retrouver ce cube. Mais je croyais que tu avais échoué, que ton équipe n’avait rien découvert à son sujet.

— Oui, au début. Mais dès que je l’ai touché…

— Quoi ? Tu l’as touché ?

— Oui, et il contenait un message qui m’était destiné, Svieta. Un message envoyé dix-huit mille ans après notre départ. Un signe de bonne volonté, avec une sorte de boîte à outils.

— Dix-huit mille ans ? répéta Svetlana, incrédule.

— Et tu n’es pas au bout de tes surprises. Nous sommes bien plus loin dans le futur que tu ne le penses. Ça se compte en dizaines de millions d’années, au moins.

— Et comment le sais-tu ?

— Je sais que l’espèce humaine s’est éteinte et qu’il ne reste que nous. Le cube m’a raconté beaucoup de choses, Svieta, mais pas seulement à notre sujet. Tu te rappelles tes doutes à propos des Fontaines ? Tu étais persuadée qu’elles nous mentaient…

— C’est vrai, reconnut Svetlana, vaguement mal à l’aise.

— Tu avais raison, figure-toi. Mais elles nous mentaient par gentillesse. Nous n’étions pas prêts à affronter la vérité, tout simplement.

— Et maintenant, que vas-tu faire, Bella ? Tu as pris le dessus, on dirait.

Svetlana regarda autour d’elle le régiment de magistrats.

— Rien n’a changé, Svieta. Ce n’était qu’une petite démonstration. Dans un instant, les magistrats auront réintégré le cube et tout se déroulera comme prévu. Je prendrai le train, tu enverras le fichier à Wang, Wang fabriquera le passe et tu emmèneras tout le monde loin de Janus.

— Alors pourquoi m’avoir montré ça ?

— Pour que tu saches que j’aurais pu. Oui, j’aurais pu mettre fin à ces bêtises il y a des heures. J’aurais pu te prendre Eddytown, Svieta. En quelques minutes. Il y aurait eu de la casse, mais les magistrats auraient eu le dernier mot.

— Pourquoi n’as-tu rien fait ?

— Je suis fatiguée, Svieta. Je me sens comme Parry le jour ou il a décidé de ne pas dénoncer les meurtriers. Je veux éviter que le sang coule. Et si le seul moyen d’y arriver, c’est de me rendre et de te donner tout ce que tu veux, eh bien soit, je suis prête. Mais je tenais à ce que tu saches que l’issue aurait pu être différente.

Bella faillit s’arrêter là, mais elle ressentit soudain le besoin d’ajouter autre chose :

— Tu vas gagner, Svieta. L’Habitat Haut sera à toi et tu vas retrouver Parry. Mais quand je prendrai ce train, quand je serai en route pour Eddytown, je saurai que j’ai fait le bon choix. Et si tu as envie de croire que ce petit spectacle n’est qu’un moyen pour moi de te démontrer ma supériorité morale, ce n’est pas moi qui t’en empêcherai. Tout cela n’aura plus aucune importance quand Janus explosera.

— Attends ! lui lança son ancienne amie alors qu’elle s’apprêtait à monter dans le train.

Sourcils froncés, Svetlana leva son casque pour consulter son ATH.

— Tu dois envoyer à Wang la seconde moitié du fichier, Svieta.

— Attends, je te dis ! Il se passe quelque chose ! Je dois remettre le casque ! Dis à tes… à tes magistrats de ne pas bouger.

— Remets-le doucement, lui conseilla Bella.

Svetlana s’exécuta, encore plus lentement que la première fois. Quand elle retira son casque à nouveau et le colla à sa hanche, Bella ne parvint pas à interpréter son expression, à la fois incompréhension outrée et terreur abjecte.

— Que se passe-t-il ? demanda-t-elle à Svetlana.

— Je ne sais pas, répondit cette dernière, les yeux écarquillés. Je… je ne vois plus Eddytown.

— Que veux-tu dire ?

— Eddytown a disparu. Elle n’est plus sur le réseau.

Ce n’était pas une ruse, comprit immédiatement Bella. Elle ressortit son flexi, le raidit et passa ShipNet en revue.

Exactement comme Svetlana l’avait annoncé, Eddytown s’était volatilisée.

— Il s’est passé quelque chose, constata Bella.

— Je le sais, bon sang !

— Ça se limite à Eddytown, et les Chiens Musqués n’y sont pour rien.

— C’était un piège, hasarda Denise Nadis. Tout ce cirque, tous ces trucs, c’était pour détourner notre attention. Elle a fait quelque chose à Eddytown…

— C’est faux, rétorqua fermement Bella. Croyez-moi, moi non plus, je n’y suis pour rien. Peut-être que je me trompe, et que Janus va sauter dans quelques minutes. À moins que les Incontrôlés n’aient trouvé un moyen de s’infiltrer parmi nous…

— Ce ne sont ni Janus ni les Incontrôlés ! leur lança Chromis Pasqueflower Bowerbird en émergeant majestueusement de la face gravée du cube. À mon humble avis, c’est plutôt un problème de contention.

À la grande surprise de Bella, tous les regards s’étaient braqués vers l’avatar. Tout le monde la voyait !

Chromis s’arrêta et les regarda d’un air désolé.

— Je suis navrée, je n’ai pas le temps de me présenter aussi longuement que je le voudrais. Mais Bella peut répondre de moi, je pense. Je m’appelle Chromis Pasqueflower Bowerbird et je suis morte depuis très longtemps. S’il vous plaît, ne m’en tenez pas rigueur.

— Vous êtes devenue solide, constata Bella, qui n’en revenait pas.

— Mon avatar a un peu évolué depuis l’apparition des magistrats, dit Chromis en touchant sa robe d’un blanc aveuglant. Je dois insister sur le fait que je ne suis pas humaine ; je ne suis que la simulation plausible d’une personnalité décédée depuis longtemps. Ce corps n’est qu’une autre enveloppe issue de la femtotechnologie, comme le corps des magistrats. Cela dit, moi, je le trouve très convaincant, si je me souviens bien de ma vie telle qu’elle était…

— Que se passe-t-il, Chromis ? la pressa Bella.

— Il y a eu un grand malheur à Eddytown. Il y avait un creuset là-bas. Étiez-vous en train d’y faire des essais pour créer un passe ?

— Oui, répondit Svetlana, à nouveau méfiante. Mais je n’ai trompé personne. J’ai dit que j’étais d’accord pour livrer le fichier à Wang, mais jamais que je n’en fabriquerais pas un moi-même. Par précaution, je dirais.

— Vous vous êtes exposée à certaines… difficultés, j’en ai peur, lui fit remarquer Chromis.

— Je ne comprends pas. Que se passe-t-il à Eddytown ? Ma fille s’y trouve. Je veux savoir si elle va bien !

— Je n’en suis pas sûre, lui répondit calmement Chromis.

— Expliquez-moi ce qui se passe ! insista Svetlana, qui commençait à s’affoler.

— L’objet que vous souhaitez obtenir ne peut être fabriqué que grâce à la femtotechnologie. Les Chiens Musqués vous en ont avisée, j’imagine ?

— Effectivement. Et ils m’ont expliqué que je pourrais contourner la difficulté en utilisant un creuset normal.

— Je n’en doute pas, ironisa Chromis, visiblement furieuse. Je parie qu’ils vous ont parlé d’un noyau temporaire ! Je me trompe ? C’est diaboliquement dangereux, sachez-le ! La seule façon de fabriquer un objet femto sans courir le moindre danger, c’est avec un noyau métastable !

— Quelque chose a mal tourné ? intervint Bella.

— Oui ! Le noyau s’est cassé. Des femtomachines duplicatrices se sont échappées ! Elles auront consumé le creuset en quelques secondes, la pièce en douze de plus et de grandes zones d’Eddytown en une minute ! Imaginez une explosion nucléaire… mais plus lente, noire et bouillante, et vous aurez une idée du tableau.

— Mais comment le savez-vous ? lui demandèrent en même temps Bella et Svetlana.

Chromis leur jeta un regard outré.

— Parce que j’y suis déjà, qu’est-ce que vous croyez ?

— Vous êtes debout devant nous, Chromis.

— Oui, je suis encore ici, mais plusieurs centaines de mes kilos sont déjà là-bas, et je continue à m’y reporter à chaque seconde. Vous n’avez plus besoin de ces magistrats ?

— Non, dit Bella.

L’air hurla pendant une fraction de seconde. Les magistrats avaient disparu.

— Ils sont en route, précisa Chromis. Quand ils arriveront, ils fusionneront avec la matière que j’ai déjà envoyée là-bas.

Bella jeta un coup d’œil à Svetlana, qui n’y comprenait certainement rien.

— Pour quoi faire, Chromis ?

Cette question de Bella parut mettre à l’épreuve la légendaire patience de son amie.

— Pour faire quelque chose de constructif, pardi ! Par exemple arrêter ces femtomachines lâchées dans la nature !

— Pardon, c’était une question idiote, dit Bella.

— Vous pouvez les arrêter ? demanda Svetlana.

— Je n’en sais rien. Peut-être.

— Mais ma fille… et les autres, vous devez absolument faire quelque chose pour eux !

— Il y a déjà beaucoup de morts, hélas, lui apprit Chromis.

Svetlana devint livide.

— Oh, mon Dieu, Emily. Dites-moi qu’Emily va bien…

— Vous pouvez les aider ? Svetlana a raison, il faut porter secours aux survivants ! dit Bella à son amie.

— D’après les premières informations dont je dispose, les machines duplicatrices sont défectueuses, ce qui pourrait nous être favorable. Si j’arrive à former une enveloppe autour de la matière corrompue à partir de mes propres femtomachines, je n’aurai plus qu’à m’y introduire et à persuader ces machines défectueuses de se désassembler comme elles sont toujours censées le faire.

Chromis serra le poing, déjà obnubilée par l’effort à venir.

— Mais il n’est pas certain que j’y parvienne. La femtotechnologie n’est pas un jeu d’enfant.

Soudain, un détail attira l’attention de Bella : malgré le départ des magistrats, une douce brise soufflait. Puis un mouvement presque imperceptible, subliminal, capta son attention.

Une ligne noire se détacha de l’une des faces aveugles du cube. Elle s’éleva en sinuant au-dessus de leurs têtes, atteignit le plafond du hall et le perça, puis se propulsa dans le vide vers Eddytown, à quatre-vingts kilomètres de là.

Un tuyau femto noir, qui s’écoulait du cube.

— Combien de matière allez-vous dépenser, avec ce tuyau ? s’inquiéta Bella.

— Un peu trop, j’en ai peur, répliqua Chromis, dents serrées, comme animée par une détermination absolue.

À cet instant, Bella crut voir la femme politique aux nerfs d’acier qui avait donné vie au projet commémoratif. Chromis Pasqueflower Bowerbird n’était vraiment pas du genre à se laisser marcher sur les pieds !

— Quelle quantité de votre matière avez-vous envoyée là-bas, pour l’instant ?

— Une centaine de tonnes, déjà. Je m’en sers pour former une carapace mais elle n’est pas encore assez solide. Les femtomachines défectueuses l’assimilent à mesure que je la déploie. Je vais devoir m’y projeter encore plus.

— Que va-t-il se passer ? lui demanda Svetlana.

— Je n’en sais rien. Je fais tout mon possible.

— Combien y a-t-il de morts ? Combien de survivants ?

Chromis ne répondit pas.

À sa grande consternation, Bella remarqua que le cube n’était plus aussi grand. En perdant de cette substance qu’il envoyait se battre à Eddytown, il rétrécissait à vue d’œil.

— Chromis… gémit-elle, atterrée.

— Je dois le faire, Bella.

— Mais vous allez mourir…

— On m’a envoyée pour servir.

Chromis dévisagea son amie d’un air grave mais compréhensif.

— Vous avez besoin de ce passe, ne l’oubliez pas.

— Oui, vous avez raison.

Bella venait de se rappeler que Svetlana n’avait pas encore envoyé la seconde partie du fichier à Wang.

— Svieta, il nous faut le reste du fichier, et tout de suite !

— Envoyez-moi les deux fichiers, Svieta ! lui lança Chromis d’un ton impérieux. Tant que j’y suis, je vais tenter de supprimer les erreurs de programmation avant ma disparition. Comme ça, au moins, vous aurez une petite chance de réussir, pour peu que vous utilisiez un creuset plus grand…

— Mais je ne sais pas comment vous les envoyer, Chromis !

— Vous avez raison. Nous n’avons pas le temps. Avancez d’un pas, s’il vous plaît.

Svetlana lui obéit presque sans y penser.

— Vous me faites confiance, Svetlana ? lui demanda Chromis.

Svetlana jeta un coup d’œil à Bella, qui crut voir passer dans ce regard quelque chose qu’elle avait pensé ne plus jamais revoir. Ce n’était ni de l’amitié ni même de l’affection – pour ça, il était trop tard – mais certainement une forme de respect.

Avant de répondre à Chromis, Svetlana voulait savoir ce que Bella en pensait.

— Oui, fais-lui confiance, Svieta.

Svetlana laissa Chromis la toucher. La femme en blanc perdit aussitôt sa forme et enveloppa Svetlana, en coulant sur elle comme du lait renversé. La membrane blanche tremblota et se figea, puis se retira. Une fraction de seconde plus tard, Chromis était de retour.

Svetlana était là elle aussi, bouche bée, la respiration heurtée.

— Voilà, j’ai les fichiers du passe, dit Chromis. Il va me falloir quelques instants, alors soyez patientes.

Chromis devait subir des tourments informatiques démentiels, se dit Bella en frissonnant. La politicienne savait qu’elle était mourante, ou du moins qu’elle sortirait blessée et affaiblie de la bataille menée à Eddytown. Le cube avait déjà diminué de moitié et il rétrécissait encore à vue d’œil à mesure que s’intensifiait le flot de matière.

— Vous n’y arrivez pas, c’est ça ? lui demanda tristement Bella.

— Si, j’y arrive, finalement, répondit Chromis avec une emphase féroce. J’ai dit que cette matière était corrompue et j’avais raison. Il m’a juste fallu un peu plus de temps et d’efforts que prévu…

— Donc, vous êtes en train de prendre le dessus.

— Absolument.

Mais le cube rétrécissait toujours. La simulation distribuée de la personnalité de Chromis allait forcément commencer à perdre sa cohérence.

— J’ai peur, dit Bella.

— Et vous avez raison. Un conseil : quand vous lancerez le prochain creuset, emmenez-le d’abord dans l’espace. Au moins, s’il se produit une autre rupture, il ne pourra pas se gorger de la matière environnante. Le fichier est prêt, à propos. Je me suis efforcée de supprimer les bugs les plus flagrants de son langage de programmation maladroit, mais il est encore extrêmement dangereux, sachez-le.

— Vous pouvez l’envoyer à Wang ?

— C’est fait. Il l’a déjà.

— Merci, Chromis.

— Je vous souhaite bonne chance avec ce fichier, Bella. Malheureusement, je ne serai pas là pour voir les résultats…

— Chromis, ce n’est pas possible… Vous venez de dire que vous étiez en train de renverser la situation…

— C’est effectivement le cas, n’en doutez pas une seconde. Malheureusement, cette tâche me coûte plus de matière que je ne peux en conserver pour mes besoins informatiques.

— Mais quand vous en aurez fini avec cette contention, vous pourrez vous réassembler, n’est-ce pas ?

Chromis secoua la tête d’un air désolé. On aurait dit qu’elles discutaient de la malchance de Bella, plutôt que de l’imminente destruction de l’avatar.

— Il ne restera pas assez de femtomachines, que ce soit en moi ou dans le noyau défectueux, soupira Chromis en tripotant à nouveau sa robe. Je ne peux plus conserver ma masse actuelle, j’en ai bien peur. Je vais devoir la jeter dans la mêlée. C’est une honte. C’était vraiment agréable d’avoir à nouveau un corps après tout ce temps dans le cube…

Elle disparut.

Assommée par la perte qu’elle venait de subir, Bella fixa l’espace où la femme s’était tenue. Un instant plus tard, Chromis réapparut.

— C’est parfait, il n’y a plus que vous qui puissiez me voir ou m’entendre, Bella. Je ne peux pas non plus m’attarder sous cette forme, hélas. Ma capacité de traitement baisse à toute vitesse. Je tenais à ce que vous sachiez que j’ai vraiment apprécié notre rencontre.

Bella voulut dire quelque chose, mais Chromis la prit gentiment de court :

— S’il vous plaît, je vais bientôt partir, alors laissez-moi finir. Je ne suis pas unique, Bella. Comme je vous l’ai dit, nous avons envoyé un grand nombre de cubes commémoratifs dans l’espace. Si celui-ci a survécu, pourquoi pas certains autres ? Là, dehors, quelque part, il y en a peut-être d’autres comme moi. Il vous suffit d’en trouver un.

— Mais ça ne sera pas vous !

— Ça sera aussi une Chromis, la corrigea doucement l’avatar. Et chaque Chromis mérite de trouver sa Bella. Vous m’avez rendue très heureuse, sachez-le. Vous pouvez faire la même chose pour une autre. Vous me le promettez ?

— Je ferai de mon mieux.

— Je m’en contenterai, sourit Chromis.

Elle leva la main et lui fit un signe d’adieu puis s’évanouit, cette fois-ci pour de bon. Bella ressentit cette absence brutale au niveau neuronal : il y eut soudain un vide retentissant dans sa tête, comme dans une maison devenue trop grande après le départ d’un invité. Elle avait beaucoup aimé Chromis et savait que sa calme sagesse allait lui manquer dans les épreuves qui l’attendaient.

Elle chercha le cube du regard, mais il n’en restait rien.

Pendant un long moment, personne n’osa prononcer un mot. Le sacrifice de Chromis avait ému tout le monde, même ceux qui ne l’avaient pas connue, et personne n’avait envie de troubler le silence respectueux qui venait de s’installer.

Bella parla la première, avec un signe de tête à l’huissier :

— Veuillez arrêter Parry Boyce, je vous prie.

Parry ne chercha pas à fuir quand le robot s’approcha de lui et lui remit ses liens. Connaissant cet homme, Bella se doutait qu’il ne résisterait pas, mais elle fut tout de même soulagée en constatant qu’elle avait raison.

— Faites venir d’autres huissiers, s’il vous plaît.

Puis elle se tourna vers les trois représentants d’Eddytown.

— Et maintenant ? lui demanda Svetlana.

— Et maintenant, je reprends le contrôle, répondit Bella d’un ton délibérément neutre, qu’elle n’eut aucune difficulté à adopter.

Il n’y avait pas de quoi triompher, de toute façon. Seul son sens du devoir la guidait. Quelqu’un devait prendre les rênes.

— Et ensuite ?

— Nous continuons l’évacuation. Rien n’a changé : nous sommes toujours assis sur une bombe à retardement. Parallèlement, je vais monter une opération de sauvetage pour les survivants d’Eddytown.

Elle regarda Axford.

— Ryan, tu ferais bien d’avertir ton équipe de l’arrivée imminente des blessés. Nous devons absolument les garder en vie le temps d’atteindre l’ambassade, c’est la seule chose qui compte.

Puis elle s’adressa à Shen :

— Liz, allez prévenir Nick et voyez ce qu’il peut faire de son côté. Dites-lui de prévoir le transport pour cent vingt personnes de plus au maximum.

Shen opina et ajouta :

— Je vais aussi en parler à Wang. Il peut commencer à produire des rations alimentaires et des vêtements.

— Bonne idée, mais rappelez-lui quand même qu’il nous faut toujours ce maudit passe. S’il doit repousser ce travail pour nous fournir autre chose, nous nous débrouillerons avec ce que nous avons.

— OK.

— Il nous faut ce passe, insista Bella. Si nous ne pouvons pas fermer cette porte, nous sommes fichus.

— Je m’en occupe.

— Et les navettes, tu y as pensé ? intervint Svetlana. Elles peuvent arriver à Eddytown en quelques minutes.

— Il n’y a pas de navettes de ce côté-ci du Ciel ! aboya Bella, ennuyée d’avoir à lui rappeler ce fait. Et il faudrait dégager le trou, ça prendrait trop de temps !

— Les Chiens Musqués ont creusé un autre trou, celui par lequel je suis revenue…

Bella avait complètement oublié cette histoire. S’en serait-elle souvenue si Svetlana n’en avait pas parlé ?

— Il est assez grand pour y faire passer une navette ?

— Oui, sans problème, je pense. On pourrait essayer avec le Crusader et l’Avenger.

Bella jeta un coup d’œil à Shen.

— Occupez-vous aussi de ça, Liz. Le temps de préparer les navettes et de faire le plein, nous utiliserons encore les maglev et les tracteurs. Choisissez une aire d’atterrissage proche de Crabtree, de préférence à portée d’un cordon de chargement partant de l’un des dômes périphériques.

— C’est compris.

Bella se tourna vers Svetlana.

— Tu as raison, je n’aurais pas dû oublier les navettes.

— Prions pour que ça marche…

— Oui, espérons.

— Que va-t-il nous arriver ?

— Protsenko et Nadis peuvent s’en aller, s’ils le veulent. Je leur suggère d’aller donner un coup de main à Nick Thaïe, qui en aura besoin à Sous-le-Trou, dès qu’ils m’auront donné leurs combinaisons.

— Que veux-tu faire de ces tenues ?

— Je vais en avoir besoin pour l’opération de sauvetage. Il me faut deux volontaires, de préférence des gens qui ont une certaine expérience de la Chakri-5.

— Je suis partant, dit immédiatement Parry, sans laisser le temps à Protsenko et Nadis de réagir. J’ai déjà utilisé la Chakri-5 et je connais Eddytown comme ma poche.

— Je te suis ! lui lança Takahashi en sortant du groupe de Bella.

— Pas question, Mike ! protesta Bella. Nous ne t’avons pas ramené pour te perdre à nouveau !

— Si Parry y va, j’y vais.

— Tu ne connais pas Eddytown, et tu as dû passer au maximum une heure en combinaison depuis ton retour de l’ambassade !

— Parry m’expliquera tout dans le train. Ne discute pas, Bella. C’est un boulot de mineur.

Elle le fusilla du regard, tout en sachant qu’elle n’aurait pas gain de cause.

— Très bien, soupira-t-elle.

Protsenko et Nadis se déshabillèrent et passèrent leurs combinaisons aux deux mineurs.

— J’y vais aussi, dit Svetlana. Ma fille est à Eddytown. C’est à moi de la retrouver, et à personne d’autre.

Bella la regarda droit dans les yeux.

— Je vais devoir t’arrêter quand nous reviendrons d’Eddytown, tu le sais, n’est-ce pas ? En parlant aux Chiens Musqués, tu as désobéi à un ordre direct. De plus, tu as eu en ta possession un creuset illégal, que tu as utilisé avec un fichier non autorisé. Tes agissements risquent de nous coûter Janus, et nous ont déjà coûté Eddytown. J’espère que nous retrouverons des survivants, Svieta, mais ce qui est sûr, c’est qu’il y aura des morts.

— Tu as terminé ?

— Tout à fait. Pour l’instant.

Svetlana plissa les yeux d’un air soupçonneux :

— Tu viens de dire « quand nous reviendrons d’Eddytown ». Ta langue a fourché, non ?

— Non. Je viens avec vous.

— Mais si tu penses que Janus va sauter…

— Oui, c’est ce que je pense.

— … tu veux quand même aller là-bas, alors que tu pourrais rejoindre l’ambassade avec tous les autres ?

— Oui.

En Svetlana quelque chose abdiqua, Bella le lut dans son regard.

— Tu n’as pas à faire ça, Bella.

— Oh si ! Comme l’a dit Mike, c’est un boulot de mineur. Il y a eu une époque où nous étions tous des mineurs, tu te rappelles ? Nous poussions de la glace.

— C’était il y a bien longtemps.

— Quand je vois ce gâchis, j’ai pourtant l’impression que nous ne sommes bons qu’à ça.

Takahashi et Boyce avaient déjà enfilé les combinaisons de Nadis et Protsenko, et celles-ci s’adaptèrent aux dimensions des deux hommes, en s’allongeant ou en se resserrant là où il le fallait.

— Il te faut aussi une combinaison, Bella, lui fit remarquer Takahashi. Dis à l’un des huissiers de te ramener une Chakri-5, on l’attendra avant de partir.

— Pas la peine, je n’ai jamais porté cette combinaison. En fait, ça fait trente ans que je n’en ai plus porté une, même une Orlan.

— Il t’en faut une, pourtant, insista Takahashi.

— Il y a des combinaisons de secours dans le train. Tant que je peux respirer, ça me va. Je ne suis pas difficile.

 

Janus
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